Elles vous évoquent un quatuor d’hortensias bleuâtres, en train de racornir dans une maison de famille, quelque part dans le Morbihan ? Ou ces brins de lavande qui aiment coller leurs petits grains partout, dans les tiroirs à chaussettes ? Voire les pots pourris - si bien nommés !- cheap qui empestent à peu près autant que les petits sapins des taxis ? Grave méprise ! Depuis quelque mois, les fleurs séchées, ces belles assoupies depuis des lustres, squattent systématiquement les endroits les plus inattendus. Dans les concept-stores de déco, truffés comme il se doit de céramiques numérotées, ou les cantines tenues par de longues jeunes filles à vastes tabliers indigo, elles copinent avec les plantes vertes en série, la tocade précédente ( voir ici ) . Là, c’est une gracieuse brassée champêtre et mauve qui anime un comptoir en bois blond dans son bocal sans eau ; ici, ce sont de graphiques tiges à boules jaunes qui fricotent avec des corolles exotiques joufflues, dans un pichet simili Vallauris vide… Les " monnaies du pape " argentées et les " amours en cage " orange ( manquent plus que les roseaux de la Pampa, tiens ! ) … en plastique sont même parfois de sortie, comme à la très chouette boutique Les Fleurs. C’est encore un pas supplémentaire, (voire de trop ? ) qui est franchi : la " fausse fleur séchée " !
Certains fleuristes chics que leur goût personnel portait déjà vers ce choix audacieux sont aux avant-postes de la tendance. Chez FloweredBy et surtout chez Debeaulieu, spots de cette nouvelle école, l’on apprend à tutoyer le Limonium, le Craspedia et autres Acchillées. Ce sont les chouchoutes du moment , que l’on achète fraîches pour les laisser sécher dans leur vase, après moult conseils des maîtres des lieux. Chez Debeaulieu, on peut aussi acquérir de sublimes Delphinium bleus ou des immortelles, qui, eux, ont déjà été pendus la tête en bas, et composent de fastueux bouquets secs (sur commande). Quel que soit le modus operandi, le plaisir, assez contemplatif, est apparemment le même : un assemblage "slow ", poétique , dont on voit, au fil des jours, la couleur et la texture se transformer doucement. Durée de vie, avant que le it- bouquet ne vire un poil morbide, façon cabinet de curiosités victorien, ou cra-cra, genre gite rural poussiéreux ? Un an . Une bonne affaire ! Pas sûr cependant que cette vertueuse aspiration décroissante ne soit pas balayée, ce printemps, par l’appel de la renoncule guillerette ou de la pivoine folâtre ...
Photo La Joie des Fleurs