Pourquoi le gin est si tonique

Cet été s'est produite  une révolution culturelle d'envergure : après des siècles de domination du Mojito au rayon cocktails maison qui cognent, un ringard patenté a fait son grand retour. Il s'agit, vous l'aurez deviné, du Gin Tonic ( prononcez Gin To) , récemment exhumé des limbes de la mixologie vintage. Pour ceux qui ont connu  les années 80, ce come-back est stupéfiant. Le Gin Tonic a en effet été la boisson bon marché officielle  des soirées à Madrid ou Barcelone,  période post Movida. Oui, celles qui se terminaient souvent  la tête dans les toilettes... Les trentenaires  n'ont apparemment pas ces a priori. Pour eux, le gin est au contraire un produit noble et artisanal, souvent issu de micro-distilleries (financées par crow-funding de préférence) qui, mélangé à un tonique naturel de compétition  (comme le Fever Tree),  est servi  dans des lieux dédiés. Des "bartenders"  fanatisés y proposent en effet  des dizaines de marques pointues, de toutes nationalités,  incluant des raretés au wasabi ou au safran.

Le phénomène a d'abord frappé à peu près tout le monde développé ( de l'Espagne , donc, aux Etats Unis  en pensant par l'Allemagne et les Pays Bas  , les anglais restant évidemment des accros immémoriaux  ) avant de finir par éclore en France.  Ces deux dernières années,  des " Gin corners"  spécialisés ( dont le  Tiger,  40 Gin To à la carte) se sont enfin implantés à Paris.  Au tout prochain salon des spiritueux , "France Quintessence" , une table ronde débattra même sur le thème : " Le gin, nouvel eldorado ?". Ce  ne sont pas les nombreuses et nouvelles petites maisons made in France qui la contrediront ...

Evidemment, comme toute tendance, la "ginphilie"  génère ses snobismes  : il y a par exemple des gins "couture" qui se boivent seuls avec des glaçons . Ou des manifestations triées sur le volet  où  l'on déguste des  gins de collection sixties. C'est néanmoins la version " facile" du gin  , avec des bulles un peu amères,  qui investit les apéros à domicile . Des maîtres en "Gin To" domestiques, y  compris quinquagénaires, la ramènent volontiers. Ils savent bien sûr que le breuvage se sert dans un verre- piscine ( un gros ballon, quoi) et certainement pas dans ces machins étroits et hauts chers aux  années 70 ( la précédent vague chic du breuvage). Ils  y adjoignent évidemment le ruban de concombre réglementaire dans la version 2016... Voire du poivre. Au cas où ils n'auraient pas bénéficié, pour la dernière Fête de Pères, d'un bon-cadeau "Atelier Cocktail ", Marks & Spencer propose depuis la rentrée des canettes de premix qui font la blague...  Et si l'on veut se faire remarquer, on s'essaiera plutôt au " Sloe Royale",  (d)étonnante alliance  de Sloe Gin  ( un classique british à la prunelle souvent home made ) et de champagne, qui renvoie  le Bellini au rayon femmelette...