Pourquoi on voit les fleurs en peinture ?

Souvenez-vous : à la fin du siècle dernier, après avoir découvert les bonsaïs, les sushis, les futons, le matcha, on fantasmait aussi sur l’ikebana, l’art (très compliqué) du bouquet zen à la japonaise . Eh bien, si vous avez toujours été infoutu(e) de disposer artistiquement une fleur, une feuille et une branchette dans un pique-fleur en grès, consolez-vous, c’est démodé ! Comme le sempiternelles renoncules en rond du fleuriste du coin. Le nec plus ultra aujourd’hui en matière d’arrangement floral ? C’est le bouquet façon peinture flamande, baroque et foisonnant ! On le croise dans les restaurants élégants (Le Coucou ou Le Modern à New York), les vernissages , les after de défilés, les lobbies d’hôtel branchés (Le Pigalle à Paris), les mariages dans les Hamptons. Plus un fleuriste lancé qui ne cherche à imiter les natures mortes du 16eme siècle, à la Brueghel L’Ancien ou  Jan van Huysen. A Paris, les étoiles montantes de la profession annoncent la couleur sur leur site : une composition à l’ancienne, sur fond noir, entourée de quelques fruits, chez Debeaulieu ; chez Stéphane Chapelle, une photo de l’équipe évoquant L’Atelier de Rembrandt, clair-obscur compris…Selon le New York Times, la tendance serait partie de la Little Flower School, à Brooklyn, où le cours « Dutch Masters »  est booké des mois à l’avance. La très hype revue Gardenista s’est prise de passion pour Emily Thompson (à NYC) et Sophia Moreno-Bunge (à L.A), deux jeunes flower artists visiblement habituées du Met et du Rijks Museum…

Intéressé(e) par un petit cours de  " Bouquet flamand" pour les Nuls ? Remisez votre vase Alvar Aalto, chinez des coupes en étain, des urnes en marbre, des amphores crypto-étrusques et des cruches en faïence émaillées super kitsch… Piquez-y, à profusion, des fleurs, des feuilles et des branches garnies de baies. Mixez des grosses fleurs (pivoines, roses, renoncules, pavots, anémones, tulipes évidemment) et des graminées. Coté couleurs, lâchez-vous –le bouquet flamand est assez psychédélique, en fait-, mais une touche de bleu de Delft (delphinium, hortensia) est quasi-obligatoire. La forme ? Ovale, sinon rien. Faites aussi dégouliner des trucs sur les parois du vase ( une grappe de dattes fraîches , par exemple ). Eparpillez quelques fruits au pied de l’ensemble (grenades, poires, raisins …). Attention, chef d’œuvre !

Certes, ce nouveau trend spectaculaire requiert un budget nettement plus conséquent que le modeste « bouquet de rien » cher au Futiloscope. Mais, bonne nouvelle, ça se garde longtemps : les peintres de l’époque adoraient les tulipes en pâmoison, les corolles en bout de course, qui symbolisent la brièveté de la vie. Idem pour les feuillages déjà chiffonnés ou grignotés par un insecte : comme la Nature, un bouquet se doit d’être imparfait. Restent quelques questions essentielles en suspens. Exemple : peut on mettre une feuille de monstera dans un bouquet flamand ? Et celui-ci peut-il cohabiter avec un pilea dans son cache-pot en béton brut? Euh…Pas sûr.

Photo : Olivia Rae James pour la Little Flower School