Pourquoi on va la jouer sobre ?

La nouvelle surprendra tous les parents d’individus entre 15 et 25 ans, qui planquent leurs meilleures bouteilles avant de partir en weekend, mais les statistiques sont formelles : globalement, le jeune picole de moins en moins ! Ici comme aux Etats-Unis, ils sont 75% à avoir déclaré récemment à un sondeur « ne plus boire que modérément en soirée ». Ca alors ! La génération qui a inventé le tristement célèbre « bingedrinking » se détache massivement de l’alcool. En cas de vrai problème d'addiction ?  On utilise les réseaux sociaux pour s’aider à décrocher. Sur #sobermovement –l’équivalent 2018 des AA, en plus drôle et moins moralisateur –on partage confessions et photos avant-après saisissantes. La nouvelle « sobriété heureuse » s’affiche sur les T-Shirts : « Neverhungover » (plus jamais la gueule de bois ), « Tt » (pour « teetatoller », qui pratique l'abstinence totale) ou « Sober is Sexy », vendus  par HipSobriety ou The Sober Hipster ( !).  Blogs et sites dédiés, comme Girl & Tonic ou SoberNation fédèrent de vastes communautés en publiant manifestes, conseils et « non-drinking diaries » (témoignages). Et le best-seller de la jeune journaliste anglaise Catherine Gray, Le bonheur inattendu de la sobriété, vient d’être traduit chez nous. Elle y raconte ses années de bitures, vomi partout et grands moments de blackout compris (c’est qui, ce type dans mon lit ?), dans la pure tradition Bridget Jones…Et assure aujourd’hui : la vie sans alcool , non seulement c’est meilleur pour le teint, mais c’est tout aussi « fun » !

Vraiment ? Sans ce classique lubrifiant social, peut-on continuer à sortir, s’amuser, draguer, faire la fête ? Bien sûr, répondent les « sober hipsters ». Et pas seulement en buvant des virgin cocktails sophistiqués. Chez les millenials, la musique est souvent un désinhibant autrement plus puissant. Alors, ils pratiquent le « conscious clubbing », qui consiste à danser « en pleine conscience » (tiens, tiens…) dans des soirées 100% clean. A New York, ils se retrouvent pour un « juice crawl », fiesta mensuelle et diurne, où l’on fait la tournée des bars…à jus, avec du « gros son » dans son casque. A Londres, on fréquente les bars « Redemption » (tout un programme) de Notting Hill et Shoreditch. Les soirées sobres enflamment l’imagination des « partys-planners ». The Shine, née à L.A, à la cible plutôt trentenaire, est la plus courue. Au programme : concerts, performances, projections… et séances de méditation. Le tout  généralement, hébergé dans de très chic espaces de coworking. Logique. La vogue de la méditation et du yoga (milieux notoirement allergiques à l’alcool) n’est pas étrangère à la néo-sobriété ambiante. Et beaucoup de jeunes professionnels, angoissés par l’avenir et la compétition impitoyable, renoncent  à boire avant tout  pour mieux « performer » au boulot. Le lobby des alcooliers a sans doute du souci à se faire. Le bar, la boite, l’afterwork… tous les « bastions de la cuite » tombent un à un. A quand l’enterrement de vie de jeune fille ou le springbreak à Cancun « en pleine conscience » ? On a hâte de voir ça !

Photo : Hipsobriety . Sobre + feministe = rabat-joie ? Mais non, voyons !