Le vase en bois est -il le nouveau pichet en céramique ? L'ébéniste est-il le nouvel artisan branché ? Cette semaine, le Futiloscope planche sur le sujet.
Mais c’est quoi cet alignement de petites merveilles ? Une collection de soliflores signé Oros Design, un duo de créateurs d’objets en bois installés dans le Sud de la France, qui édite et diffuse aussi les plats, corbeilles, serre-livres, bougeoirs…(il y a même des sacs à main !) d’autres artisans inspirés eux aussi par le frêne, l’érable ou le noyer …Beaucoup de leurs pièces sont présentes au pop-up Alma de la marque marseillaise Sessun (l'automne dernier, c'était au Bon Marché) Tandis que ce printemps, c’est l’ébéniste nantais Benjamin Fely, avec ses vases en bois brut retravaillés à la gouge, l’invité du Design Lab d’Habitat, la vitrine « jeunes designers » de l’enseigne. On creuse un peu ? C’est l’arbre qui cache la forêt ! Une nébuleuse d’artisans travaille aujourd’hui ce nouveau matériau-star. Et compte bien squatter sous peu vos tables basses et vos dessus de cheminée.
Vase Benjamin Fély Sac à main Oros Design Atelier Darbroche
Parce que la céramique a fait long feu ? Ca fait un bail que Le Futiloscope vous le répète : « On a trop de pots ! » (voir ici ) . Qui n’est pas aujourd'hui à la tête d'une collection de bols / coupelles / plats / pichets, vintage ou contemporains, en grès rustique ou en « raku » japonisant, si possible signés d’une étoile montante de la céramique (souvent un publicitaire ou une commerciale reconvertis), posant en grand tablier taché d’argile ? Dans la vaste famille des « makers » réhabilités, les céramistes tiennent le haut du pavé depuis des années. A force, nous, on se retrouve avec des étagères très encombrées. Où l‘objet d’exception (ce Vallauris trouvé au dépôt-vente, qui a fait un carton sur Insta !) côtoie des achats d’impulsion plus discutables. Vu l’engouement planétaire, les Bloomingville, Xerax et autres Zara de la déco ont très vite tout (et plutôt bien) copié. Mais si le trend s’essouffle, qui va prendre le relais des potiers ? Les vanniers avec leurs corbeilles et paniers ? Bof, ça manque un peu de storytelling autour de la paille et de l’osier. La broderie sur tambourin ? En plein essor également, mais un peu trop « fifille » pour envahir des intérieurs où vivent aussi des garçons. Pas de problème : l’ébéniste-designer-tourneur (souvent un homme : il faut manier de grosses souches, c’est assez genré comme job, du moins pour le moment) est fin prêt à sortir du bois…
Oros Design Julien Colboc Atelier Darbroche
Parce que la forêt nous enchante (encore et encore ?) "La vie secrète des arbres " (d’un obscur garde-champêtre allemand) ou "L’Arbre-Monde", de Richard Powers squattent toujours les listes des best-sellers . Les randonneurs du dimanche, les bobos avec enfants hyperactifs, les abonnés des magazines wellness, les boites en recherche d’une idée de « team building » originale… ont tous découvert le « shirin-yoku » (ou encore « tree hugging », réviser ici ), pratique japonaise millénaire qui consiste à faire des câlins aux arbres pour se ressourcer à leur contact. La « sylvothérapie » a défriché un boulevard pour notre nouvelle tocade déco. La forêt est magique ? On en importe un petit bout chez soi, ne serait-ce qu’une simple coupe ou un pot à crayons…D'autant que certains ébénistes, installés en pleine nature jouent volontiers, eux aussi, les bardes inspirés Comme Guillaume Ougier, fondateur de l'Atelier Darbroche : « Je n’oublie jamais que les bois dans mes mains sont des Arbres, qu’ils ont mis des dizaines d’années à croître, et qu’on leur doit, de fait, le respect. Parce qu’ils ont beaucoup à enseigner. Des choses de l’ordre de la cohabitation, de la protection, de la lenteur. (…) La Forêt est inspiration, respiration même, vitale. », lit-on sur son site. Outre des soliflores, notre ermite vosgien s’est mis récemment à fabriquer des bijoux avec des perles de bois, des pierres, des talismans en « hêtre échauffé » , d’inspiration clairement Amérindienne. Tandis que l’e-shop Oros propose des bâtonnets de Palo Santo péruvien. L’ébéniste serait-il aussi un chamane en puissance ? Ouh là là…
Benjamin Fély Férréol Babin Carlès-Demarquet
Parce que la cuiller, c’est le nouveau bol ? Le coup de la cuiller à 250 dollars, on nous l’a déjà fait. C'était il y a deux-trois ans à Brooklyn, paradis des « makers ». La « cuilleriste » Ariele Alasko était devenue la chouchoute des magazines de déco et la fournisseuse attitrée des riches New Yorkais qui avaient déjà tout. Depuis, elle s’est installée en Californie pour sculpter de plus grosses pièces…et la cuiller en bois arty a traversé l’Atlantique ! Sur l'E-shop d’Oros, on trouve le grand modèle « Magnolia » (162 € ), d’inspiration clairement nipponne (l’imperfection, l’asymétrie, le wabisabi, tout ça…) . C’est pour touiller le rata ? Non, plutôt pour regarder, et « dépoussiérer au besoin avec un chiffon sec », conseille son créateur, Ferréol Babin. En fait, chez tous les « wood workers », on en trouve à la pelle, façonnées à la gouge, au tranchet, au "kiridashi", au bédane…On ne sait pas ce que c’est non plus, mais ça donne envie d’essayer. Surtout qu’on est sans doute nombreux à être déçus du stage de céramique niveau débutants. Entre le tour (à prendre), la casse, les accidents de cuisson, les émaux capricieux pour qui n’a pas un D.E.A de chimie, pas évident de sortir un bol présentable. Aujourd’hui, les ébénistes nous font de l’œil, avec leurs outils mystérieux et une technique qui semble …plus fastoche ? C’est sûrement un leurre, mais là aussi, leurs "workshops" devraient cartonner bientôt. Exemple : le dimanche, Julien Colboc propose déjà des stages « Cuiller et Spatule » à Achères-la-Forêt, en lisière de Fontainebleau. Après quelques heures au grand air, on repart avec le lot de deux, taillé dans un morceau de bois vert. Vous qui cherchiez un parfait cadeau de Fête des Pères …
Carlès-Demarquet Carlès-Demarquet Carlès-Demarquet
Parce que ça a de la gueule, le bois ? S’il n’y avait que ces vases et des bougeoirs épurés, dans 50 nuances de brun et de miel, taillés dans des essences aux noms évocateurs (sycomore, amarante …), on aurait vite fait le tour du trend . Mais certains néo-ébénistes ont une vision moins terre à terre. Installé aux environs de Marseille, le duo Carlès-Demarquet travaille l’érable massif pour en faire des vases-amphores, des totems ou des plats …qui évoquent des vestiges trouvés dans un galion échoué ou sur un site archéologique. Inspirées par l‘Afrique et l’Antiquité grecque, leurs séries très limitées sont « embouties » à l’aide d’une fraise, puis blanchies ou teintées en bleu Klein. Le résultat ? Un trompe-l'oeil poétique et très sophistiqué ! Dans la vitrine d’un antiquaire chic …on confondrait aisément leurs pièces avec ces poteries des années 50 aux formes organiques, et aux « textures » qui rappellent le corail. La boucle est bouclée ? À une petite différence prés avec la céramique : « Nos soliflores ne sont pas conçus pour être remplis d'eau. Vous pouvez y placer des fleurs séchées ou un bouquet frais mais sans lui donner d'eau. », suggère la fiche technique. Euh .Cette dernière proposition est un peu radicale, peut-être …